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THE BAD GIRLS BOOK CLUB
19 mai 2022

COCA CRYSTAL

“She was sexy, she was young, she was very smart — she was cool.” Lynda Crawford

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Il fut un temps où la télévision ressemblait à quelque chose. Où elle était gage de créativité et d'amusement. Où personne ne cherchait vraiment à plaire, juste à dire ce qu'il y avait à dire. Clair et sans détours.

Quand je suis tombée par hasard sur les vidéos de Coca Crystal sur Youtube, c'était un peu comme rencontrer la Vierge. Je ne comprenais pas vraiment ce que je regardais mais c'est comme si j'avais attendu cette émission toute ma vie : dans quel monde on pouvait s'attendre à voir des débats politiques accompagnés de séances de fumette ? Passer de pensées anarchistes à l'avis culinaire de Debbie Harry ? Je suis toujours partante pour ce genre de conneries mais clairement, Coca Crystal, a, ce jour, comblé un manque dans ma morne existence.

If I Can't Dance You Can Keep Your Revolution, c'était quelque chose d'impensable, un coup de pied au cul à la culture dominante des années 60. Une femme au milieu d'un monde d'hommes, la nuit, à l'arrache, qui déblatérait sur tout et n'importe quoi, tout en prenant soin de montrer, une autre Amérique : celle des laissés pour comptes, dont tout le monde se foutait. Aucune répétition, aucun script, chacun y allait un peu au talent, selon les disponibilités. Il s'agissait de laisser libre court au risque et à l'ennui. Parfois, l'invité était drôle, le propos brillant et puis soudain, ça pouvait juste partir en couilles, ne ressembler à rien, si ce n'est à des conversations embrumées de fins de soirées après avoir trop picolé.

Près de vingt ans à squatter l'antenne pendant une heure, à recevoir sur ce qui servait de plateau des grands noms du rock en passant par le trouduc du coin. Rien ne la prédestinait à ce destin.

Née Jacqueline Diamond, Coca Crystal grandit dans une riche famille de Manhattan, entre un père vendeur de fourrure et une mère ancienne mannequin. Clairement pas à sa place, Coca s'emmerde dans les écoles privées hors de prix que ses parents lui imposent et c'est tout naturellement qu'elle fera un passage éclair à la fac: le temps nécessaire à parfaire son éducation comprenant les joies du LSD et les tours à la case prison pour possession de marijuana.

Grande gueule, Jacqueline Diamond roule sa bosse avant de se vendre pour 35 billets chaque semaine à la rédaction du East Village Other, où elle fait office de couteau suisse. Là-bas, elle y signe sous le nom de Coca Crystal ses premiers articles plus ou moins sérieux, nourris par son activisme politique et sa passion pour le chaos. Dans l'un deux, elle racontera notamment comment elle a fait fuir un cambrioleur en jouant de la guitare.

«Elle était plus mignonne que glamour ou branchée, elle n’a pas influencé la mode mais elle vivait sa féminité comme une performance artistique, à la Debbie Harry. Elle attirait les gens», disait Joan Hawkins.

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Coca Crystal meurt en 2016, en laissant derrière elle un héritage foutrac, incarné par les principaux protagonnistes du Saturday Night Live, sans que nous le sachions vraiment. Elle aurait voulu écrire sa bio, puis voir Drew Barrymore la porter à l'écran. Est-ce que Coca Crystal voyait vraiment la télé comme un art ? Est-ce qu'elle se considérait vraiment comme une figure influente de la contreculture ? Ou voulait-elle juste être connue ? Elle disait souvent que l'émission, c'était « la célébrité pour pas cher ». Il suffit parfois de peu.

Son livre aurait pu pourtant valoir le détour. Outre une courte carrière d'activiste contribuant à balancer des tartes aux pommes à la gueule des conservateurs qu'elle ne pouvait pas blairer, Coca Crystal a également endossé le rôle de mère un peu malgré elle: alors que sa sœur se retrouve en taule au Maroc, son neveu, Gus, un gamin autiste, se retrouve menacé d'être placé dans un orphelinat si elle ne le récupère pas. A 27 ans, la vie de Jacqueline change, s'accompagnant d'un nouveau rôle qu'elle n'avait pas vraiment prévu. L'émission, qui la paie peu, l'oblige à accepter un poste à mi-temps à l'association Manhattan Neighborhood Network, qui gère les chaînes de Public Access TV, où se tourne sa tambouille. Comme une ombre, son gosse la suit partout et se retrouve même au générique en tant que producteur exécutif. Au Local East Village, elle dira de sa vie «non conventionnelle»: «J’ai des horaires de sommeil bizarres, j’ai un enfant chelou, mon chien boîte, mon chat est amoureux du chien, tout est un peu hors des sentiers battus par ici.».

Et pourtant, c'est comme ça qu'on crée les légendes.

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